PHONÉTIQUE CORRECTIVE EN FLE
MÉTHODE VERBO-TONALE

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LA CORRECTION DES ÉLÉMENTS SEGMENTAUX :
VOYELLES ET CONSONNES


2. Apprendre à poser le diagnostic de l'erreur phonétique commise en français.

Nous allons apprendre à utiliser des tableaux utiles pour la correction phonétique du français par la MVT en envisageant successivement les deux axes évoqués en supra.

2.1. L'axe de la tension.

2.1.1. Rappel

C'est un phénomène physiologique se traduisant par des phases de tension/relâchement lors de la production de la parole. La tension se produit simultanément à plusieurs niveaux:

  • macromotricité: tension corporelle globale ayant une incidence naturelle sur la micromotricité (tension des organes dits de la phonation)
  • micromotricité. La tension affecte
    • le mouvement prosodique. Si on prend l'exemple La phonétique corrective est un domaine vraiment passionnant on comprend que les sons situés dans un mouvement croissant sont de plus en plus tendus jusqu'au point de culmination; ceux qui sont à l'intérieur d'un mouvement décroissant se relâchent progressivement jusqu'à la mise au repos momentanée des organes phonatoires;

    • la tension inter et intra syllabique. Une mauvaise répartition de la tension au niveau syllabique est responsable d'erreurs de production;

    • haque son a une tension intrinsèque, dont le degré peut fluctuer en fonction des éléments rappelés plus haut.

2.1.2. Tension et sons de parole

En phonétique corrective, la tension, phénomène physiologique, relève essentiellement de l'articulatoire.

Cette tension articulatoire peut se produire au niveau des cordes vocales, de la bulle...luette, de la langue et des lèvres.

La tension renvoie au mode d'articulation. Les muscles doivent être tendus pour produite un son « fermé » ; ils doivent être davantage relâchés pour réaliser un son « ouvert ». Donc, les consonnes sont plus tendues que les voyelles.

T+

Consonnes

Semi-consonnes

Voyelles

T-

La tension est également fonction du bulle...lieu d'articulation. Un son « bulle...postérieur » est moins tendu qu'un son « bulle...antérieur ». Ceci se comprend aisément. La distance entre les articulateurs est moindre dans le cas des réalisations postérieures et on « gaspille » moins d'énergie, donc de tension, pour les positionner.

Les consonnes du français sont classées selon le critère de tension dans le tableau de la FS1 cf. DOC06.

La terminologie utilisée est celle de la phonétique perceptive, les termes articulatoires correspondant étant indiquées entre parenthèses.

Comme indiqué précédemment, les consonnes sont classées par ordre de tension décroissante

  • sur le plan horizontal, des antérieures T+ aux postérieures T-

  • sur le plan vertical, en fonction du bulle...mode d'articulation, des occlsives T+ aux semi-consonnes T-

On remarque également que les sourdes sont plus tendues que les sonores. Ceci s'explique par le jeu des cordes vocales au niveau du larynx. Elles sont écartées dans le premier cas, l'air issu des poumons ne rencontre aucun obstacle et arrive dans les bulle...cavités supraglottiques avec une force maximale. Les cordes vocales vibrent pour les sonores, formant ainsi un obstacle lâche à la bulle...pression aérique qui arrive avec une force moindre à l'étage supérieur.

Certaines langues comprennent des bulle...affriquées (bulle...mi-occlusives) telles que [ʤ], [ʧ] ou [] dont la tension est intermédiaire entre celle des bulle...explosives et des bulle...fricatives.

Grâce à ce tableau de la FS1 cf. DOC06, il est possible de poser un diagnostic expliquant certaines erreurs commises en français par des étrangers. En fait, quand un apprenant remplace une consonne par une autre, c'est très souvent un problème imputable à la tension.

C'est évident sur l'axe vertical.

  • Un germanophone prononçant [f] au lieu de [v] réalise un son T+

  • Un Chinois confondant systématiquement les occlusives [p[-[b], [t]-[d] et [k]-[g] éprouve d'énormes difficultés à réguler la tension et prononce cadeau au lieu de gâteau, et inversement ;

  • Un Thaï ne parvenant pas à réaliser un [ʁ] qu'il remplace par [k] ou [g] prononce des sons T+.

Ces problèmes de tension s'appliquent également aux consonnes appelées bulle...aspirées typiques des anglophones ou des certains germanophones : [ph], [th], [dh]… Elles sont T+

La distribution de tension se retrouve aussi sur l'axe horizontal. Un Vietnamien ne parvenant pas à prononcer [ʃ] et [ʒ] qu'il remplace respectivement par [s] et [z] doit être corrigé en usant de procédés T-.

Les voyelles du français sont classées selon le critère de tension dans la FS2 cf. DOC07.

Cette figure recense la tension en fonction du degré d'aperture ; on constate immédiatement que les voyelles nasales sont, toutes choses égales par ailleurs, T- par rapport aux voyelles orales dites correspondantes. Les voyelles françaises produites bulle...diphtonguées par certains étrangers (anglophones par ex.) se caractérisent également par une tension T- par rapport aux bulle...monophtongues du français.

La tension affecte également certaines voyelles réalisées sur une diagonale : ainsi un Péruvien peut prononcer [u] au lieu de [ø] un peu étant alors réalisé par [œ̃pu]. La correction s'effectue en utilisant des procédés relatifs à la tension.


Il suffit de se reporter aux tableaux pour diagnostiquer une erreur de prononciation en termes de tension.

Ainsi, il y a une tension excessive T+ dans les trois exemples suivants :

  • [kaʁsɔ̃] pour « garçon » prononcé par un Chinois ;

  • [ʤɔɹʤ] pour « Georges » prononcé par un Anglais ;

  • [nusavɔ̃] pour « nous avons » prononcé par un Espagnol.


Au contraire, la tension insuffisante T- explique l'erreur dans les cas suivants :

  • [jenɛpa] pour « je n'ai pas » prononcé par un Espagnol ;

  • [ʃapɔ] pour « chapeau » prononcé par un Polonais ;

  • [pɹɔmnɛj] pour « promené » prononcé par un Anglais.


2.2. L'axe clair / sombre.

L'axe clair / sombre revoie à la perception du timbre des sons de parole. Certains sons semblent plus « clairs » que d'autres qualifiés de « sombres ». Ainsi, [i] appartient au 1er groupe alors que [u] est un représentant de la 2ème catégorie.

Les voyelles de la figure de la FS2 cf. DOC07 sont disposées sur un espace bi-planaire correspondant à la répartition de leurs deux premiers bulle...formants. La figure obtenue évoque un trapèze - ou un triangle si on ne retient pas la différence entre [a] et [ɑ]-. Ce dernier cas est le plus fréquent et on a alors coutume de parler de triangle acoustique.

Les valeurs formantiques sont exprimées en bulle...Hertz (Hz). Celles du 1er formant sont en ordonnée, celles du 2ème formant en abscisse.

Sur le triangle acoustique, toutes choses égales par ailleurs, la fréquence de F1 augmente en fonction de l'aperture. Celle de F2 augmente au fur et à mesure de l'avancée de la masse de la langue à l'intérieur de la bouche. Il y a correspondance entre les données acoustiques et articulatoires.

Un son qualifié de sombre présente une grand volume et un petit orifice. C'est le cas de [u] : la langue est massée à l'arrière de la cavité buccale laissant un large espace vide devant elle avec un prolongement dû au résonateur labial qui augmente encore le volume ; l'orifice de sortie formé par les lèvres arrondies est étroit.

Un son qualifié de clair offre un petit volume et un grand orifice. C'est le cas de [i] : la masse de la langue occupe tout l'espace de la cavité buccale puisque massée à l'avant, ne libérant qu'un petit volume devant elle ; les lèvres sont étirées et écartées offrant ainsi une large ouverture.

L'axe clair / sombre se décline horizontalement : un son vocalique est d'autant plus clair noté C+ qu'il est situé à l'avant de la bouche ; plus il est en arrière, plus il est sombre, noté C-

C'est ainsi que

  • [i] est C+ par rapport à [y] et [u] ;

  • [u] est C- par rapport à [y] et [i] ;

  • [ø] est C- par rapport à [e] et C+ par rapport à [o]

  • [y] est C- par rapport à [i] et C+ par rapport à [u].


Beaucoup d'erreurs vocaliques sont dues à une mauvaise appréciation du timbre.

Ainsi, par rapport au son-cible qui est [y] dans le mot « bu »,

  • un arabophone risque fort de prononcer [i] donc de produire un son trop clair noté C+

  • un russophone à l'inverse risque de prononcer [u] donc de produire un son trop sombre noté C-

De même, alors que le son attendu est [œ] dans « peur »,

  • un hispanophone peut prononcer [ɛ] et réaliser un timbre C+

  • un iranien prononce [ɔ] qui est un timbre C-


Dans une optique MVT, il faut introduire la notion des bulle...aires de dispersion des voyelles.

Par convention, les valeurs de F1 et F2 sont normalisées et correspondent à une moyenne de référence. C'est ainsi que pour le français on a coutume, depuis les travaux pionniers de Delattre, de considérer que les valeurs de F1 sont 240 Hz pour /i/, /y/, /u/ et 350 Hz pour /e/, /ø/, /o/.

Mais, ce qui caractérise la parole, c'est son irreproductibilité. On ne prononce jamais deux fois le même son. Par exemple, si j'enregistre 10 fois les sons [i] [y] [u] soit isolément soit dans des bulle...logatomes de type su lu vu bu mu etc. et qu'ensuite j'en analyse les valeurs de leurs deux premiers formants, je n'obtiendrai jamais le même résultat pour aucune production. Et si je reporte les valeurs du F1 et du F2 de ces voyelles sur un espace bi-planaire, j'obtiendrai certainement un résultat comme celui de la figure ci-dessous.

voyelle aires de dispersion

Considérons que le point au centre de chaque « cercle » représente le prototype, soit le phonème c'est-à-dire la représentation mentale du son de langue présente dans la mémoire permanente de tout locuteur natif. Les petits points dans l'entourage du son de référence sont des bulle...allophones correspondant aux voyelles produites lors de l'enregistrement évoqué plus haut. Ces sons de parole se situent à l'intérieur d'un espace circonscrit représenté par un « cercle » correspondant à l'aire de dispersion d'un phonème. Tous les allophones situés à l'intérieur d'une aire de dispersion sont perçus comme ayant les caractéristiques sonores du phonème considéré.

Les aires de dispersion sont poreuses et se recouvrent partiellement. Ces zones de recouvrement correspondent à des zones d'interférences où les sons produits ont un timbre particulier ne correspondant par aux schémas sonores canoniques. Ces timbres singuliers sont monnaie courante dans la parole spontanée, ils sont dus à maints facteurs, une tendance au relâchement, un programme articulatoire accidentel, la bulle...coarticulation, l'influence d'un son dans une syllabe voisine, etc. Le plus souvent, nous ne remarquons pas ces petits sons particuliers car le cerveau traite l'ensemble de l'information en contexte, n'a que faire d'un détail incongru et compense en rétablissant la « bonne » forme, celle à laquelle nous sommes habitués. C'est ainsi qu'il nous arrive de produire un [i] à la place d'un [y] ou un [y] au lieu d'un [u] –ce que suggèrent des petits points dans la figure en supra-. Ces bévues fortuites n'atteignent pas le degré de conscience des individus dans la plupart des cas.

Nous verrons plus avant dans cette séquence que les procédés de correction MVT appelés prononciation nuancée ou déformée reposent sur la compréhension des aires de dispersion et zones d'interférences.

En ce qui concerne le français les aires de dispersion des voyelles sont figurées dans la figure FS3 cf. DOC08. Dans une langue comprenant un nombre moins élevé de voyelles, les aires de dispersion sont naturellement plus vastes.

Le caractère clair / sombre des consonnes est également mis à contribution en MVT. Leur répartition selon ce critère est indiquée dans la FS4 cf. DOC09.

La consonne exerce une influence sur le timbre de la voyelle suivante. Certaines consonnes sont « éclaircissantes » : elles valorisent spontanément les fréquences aigues de la voyelle subséquente ; d'autres sont « assombrissantes » ; elles mettent naturellement en valeur les fréquences graves de la voyelle suivante1.

Les consonnes se répartissent en 3 grands groupes sur l'axe clair / sombre. Elles doivent être connues dans l'ordre. Elles sont employées de façon efficace en utilisant le procédé de correction appelé entourages facilitants (cf. infra).

1 Ce tableau, très utile pour agir sur le timbre de la voyelle suivante, ne sert pas à corriger une confusion entre deux consonnes. Pour cela, il faut se reporter au tableau de la répartition des consonnes sur l'axe de la tension.