LA CORRECTION DES ÉLÉMENTS SEGMENTAUX :
VOYELLES ET CONSONNES
3. Commentaire des procédures de correction.
3.2. Cumul des procédés.
Un praticien verbo-tonaliste entrainé utilise simultanément plusieurs procédés de remédiation afin d’éradiquer une erreur donnée. Ceci offre maints avantages :
- plusieurs procédés conjoints sont souvent plus efficients que l’emploi d’un seul ;
- les combinaisons sont multiples, rendant le travail de correction phonétique plus souple avec davantage de chances de faire disparaître l’erreur à terme ;
- pour corriger un son donné, les apprenants ne sont pas toujours sensibles au même procédé correctif. Ainsi, pour corriger un [y] réalisé C- tel apprenant réagira particulièrement bien à une sollicitation combinant intonation montante et prononciation nuancée, son voisin préfèrera l’intonation montante et les entourages facilitants, un autre encore sera davantage sensible au sommet intonatif. L’enseignant repère ces préférence pour chaque apprenant, son par son, en trois séances environ1. Ensuite, il applique pour chacun d’eux le procédé correctif lui réussissant le mieux. Il s’agit d’un « raccourci pédagogique » rendant l’intervention professorale plus efficace puisqu’utilisant le procédé optimal pour chaque élève.
Nous allons reprendre des exemples donnés précédemment dans ce chapitre en montrant maintenant comment le praticien aurait pu procéder en alliant plusieurs procédés. Nous nous rapprochons ainsi du travail illustré par les extraits vidéo de la ressource ainsi que les diverses leçons de CP proposées dans le 3ème ensemble.
Rappelons que la prosodie est prioritaire. Elle est toujours utilisée en association avec un ou plusieurs autres procédés. La gestualité accompagnatrice est également présente.
Ainsi, il y a une tension excessive T+ dans les trois exemples suivants :
- [kaʁsɔ̃] prononcé par un Chinois ;
- [ʤɔɹʤ] pour « Georges » prononcé par un Anglais ;
- [nusavɔ̃] pour « nous avons » prononcé par un Espagnol.
Dans [kaʁsɔ̃] pour « garçon », Le professeur utilise l’énoncé c’est le garçon où le son-cible [g]
-
est d’abord proposé en intonation descendante, avec un débit ralenti et un allongement de la durée de la syllabe [ga] ;
-
le professeur fait ensuite intervenir les entourages facilitants : le [a] subséquent est facilitant mais il est possible de proposer [selagaʁsɔ̃] soit d’entourer le son visé de deux voyelles T- et de proposer de nouveau [seləgaʁsɔ̃]. Naturellement, le professeur conserve la configuration prosodique mentionnée à l’alinéa précédent ;
-
une prononciation déformée est aussi possible : l’enseignant passe par [seləʁa :] avec allongement syllabique en intonation ↘, il tente des nuancements entre [ʁ] et [g] en jouant également sur l’intonation descendante↘, en plateau ⟶, montante ↗ ; Il revient ensuite à l’énoncé initial [seləgaʁsɔ̃].
-
le recours à la discontinuité sonore : [seləg_↓aʁsɔ̃] avec affaissement du buste et/ou geste de la main vers le bas.
On peut voir plusieurs exemples avec un étudiant sinophone : F137 ; F133 ; F128 ; F053.
Dans [ʤɔɹʤ] pour « Georges »,
L’enseignant utilise l’énoncé c’est Georges où le son-cible [ʒ]
-
est d’abord proposé dans [asɛʒ] soit placé en finale absolue dans une intonation descendante avec ralentissement du débit et un « aaahh de satisfaction » débutant l’énoncé, permettant de gaspiller davantage de tension. La gestuelle concomitante consiste en un geste de la main vers le bas et/ou une inclinaison du buste ; on trouve un bel exemple de cette application dans F078.
- il est également possible de produire cette suite sonore avec le même schéma rythmico-intonatif en introduisant les entourages facilitants, successivement: [asaʒa] ➙ [asɛʒ] ➙[asɛʒ]
- le creux intonatif accompagné du geste correspondant de la main sur la syllabe cible est employé pour faire entendre successivement [asɛʒa] ➙ [asɛʒɔ] ➙ [asɛʒɔʁʒ]. Le professeur contrôle le mouvement prosodique ainsi que la macromotricité.
Voici quelques exemples de procédés employés simultanément avec :
/z/ produit T+ soit [s] : F109 ; F119 ;
/ʒ/ produit T+ soit [ʃ] : F063; F082; F095 ;
/t/ produit T+ soit [tʃ] : F117
/ʁ/ produit T+ soit [r] : F084 ; F086; F112 ; F083;
/t/ produit T+ : F114 ; F116 ;
Au contraire, la tension insuffisante T- explique l’erreur dans les cas suivants :
-
jenɛpa] pour « je n’ai pas » prononcé par un Espagnol ; cf. les vidéos :
-
[ʃapɔ] pour « chapeau » prononcé par un Polonais ;
-
[pɹɔmnɛj] pour « promené » prononcé par un Anglais.
Dans jenɛpa] pour « je n’ai pas », la ressource offre de nombreux exemples avec les apprenants hispanophones, par exemple
Dans [ʃapɔ] pour « chapeau »
L’enseignant utilise l’énoncé où le son-cible [o]
-
placé en sommet intonatif avec un débit rapide est réalisé avec un geste sec de la main vers le haut ou bien le poing serré avec redressement du buste, la macromotricité renforçant la tension de la V ;
-
peut être également produit en prononciation nuancée sur l’axe o ↔ u
Dans [pɹɔmnɛj] pour « promené », il a déjà été mentionné que pour éradiquer la voyelle finale diphtonguée [ɛj], l’enseignant peut choisir de la faire suivre d’une consonne abrégeante et propose à l’apprenant les modèles [pʁɔmnɛk], [pʁɔmnɛt], [pʁɔmnɛp] avant de revenir à [pʁɔmnɛ] ou [pʁɔmne] ; le timbre de la voyelle finale n’est pas très important et le son [e] offre l’avantage d’être T+ par rapport à [ɛ].
Naturellement, le professeur utilise un débit rapide pour renforcer la tension et propose les différentes suites en sommet intonatif [pʁɔmnɛk] ↑ [pʁɔmnɛt] ↑ [pʁɔmnɛp] ↑ [pʁɔmnɛ] ↑ ou [pʁɔmne] ↑Simultanément, il produit un geste sec de la main vers le haut au moment où il émet la syllabe-cible tout en relevant la tête et/ou en redressant le buste.
L’enseignant peut aussi avoir recours à la prononciation nuancée en produisant des timbres intermédiaires entre [e] et [i] tout en conservant l’intonation montante et le débit rapide.
Nous avons également mentionné le cas d’un Péruvien pouvant prononcer [u] au lieu de [ø] un peu étant alors réalisé par [œ̃pu]. La correction s’effectue en utilisant des procédés relatifs à la tension.
Il faut également favoriser l’intonation descendante ou le ceux intonatif ;
La gestuelle est celle du relâchement : mouvement de la main vers le bas, inclinaison du buste et/ou de la tête, affaissement des épaules, etc ;
Le recours à la prononciation déformée peut donner de bons résultats : on passe par [a] T- avant de revenir en nuancement vers [ø], soit l’axe u ↔ a ↔ ø
Reprenons l’exemple de l’énoncé j’ai bu un café où /y/ peut être produit C+ soit [i] ou bien C- soit [u] en fonction de l’apprenant. Nous avions indiqué que la consonne précédente [b] était susceptible de contribuer à l’erreur dans le second cas car naturellement assombrissante.
Dans le cas de /y/ réalisé [i] :
-
intonation descendante avec la séquence [ʒɛby] où la syllabe-cible est réalisée avec allongement tout en plongeant dans les graves ; gestuelle associée : main vers le bas accompagnant le mouvement intonatif avec, éventuellement, inclinaison du buste, abaissement de la tête ;
-
prononciation nuancée sur l’axe y ↔ u
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entourages facilitants : [b] peut être momentanément replacé par [m] plus assombrissant ;
-
quand [ʒɛby] est reproduit de façon satisfaisante, on donne l’ensemble de l’énoncé à répéter en produisant la syllabe-cible en creux intonatif avec mouvement correspondant de la main : [ʒɛbyœ̃kafe]
Dans le cas de /y/ réalisé [u] :
-
intonation montante avec la séquence [ʒɛby] où la syllabe-cible est réalisée avec allongement tout en montant vers les aigues ; gestuelle associée : main vers le haut avec éventuellement redressement du buste, de la tête ;
-
prononciation nuancée sur l’axe y ↔ i
-
entourages facilitants : passer par des consonnes éclaircissantes pour revenir progressivement vers la syllabe-cible : [ʒɛty] → [ʒɛdy] → [ʒɛgy] → [ʒɛvy] → [ʒɛby]
-
quand [ʒɛby] est reproduit de façon satisfaisante, on donne l’ensemble de l’énoncé à répéter en produisant la syllabe-cible en sommet intonatif avec mouvement correspondant de la main : [ʒɛbyœ̃kafe]
Remarque importante relative aux entourages facilitants évoqués ci-dessus : le professeur propose une correction par paliers telle que : [ʒɛty] → [ʒɛdy] → [ʒɛgy] → [ʒɛvy] → [ʒɛby]. Il se réserve la possibilité d’utiliser les consonnes les plus éclaircissantes [s] et [z] s’il observe que ce procédé convient à l’apprenant. Là encore c’est un moyen de contrôler l’efficacité du procédé en fonction de la réaction de l’apprenant.
Quelques exemples de travail sur l’axe clair / sombre
/y/ réalisé [u] :; F002 ; F008 ;
/y/ réalisé [i] : F035 ; F203 ; F210 ; F006 ;
/u/ prononcé [y] : F218 ; F237 ;
1 Cf. le principe de la carte d'identité phonétique de l'apprenant mentionné dans la 2ème partie de la séquence n° 8 consacrée à l'organisation des activités en phonétique corrective et à la gestion des apprenants.