PHONÉTIQUE CORRECTIVE EN FLE
MÉTHODE VERBO-TONALE

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LA CORRECTION DES ÉLÉMENTS SEGMENTAUX :
VOYELLES ET CONSONNES


3. Commentaire des procédures de correction.

Dans cette section, nous allons procéder à un commentaire détaillé des procédures de correction utilisées en MVT et recensées sur le document de la FS5 cf. DOC10.

Ce commentaire sera effectué en deux temps.

Chaque procédé sera d’abord commenté distinctement. Ceci permettra d’en saisir la pertinence.

Nous aborderons ensuite le cumul des procédés. Plusieurs d’entre eux employés simultanément pour éradiquer une production erronée donnent souvent un résultat plus rapide et efficient. C’est ainsi que procède un praticien verbo-tonaliste ayant de l’expérience. C’est ce qui apparaît sur la grande majorité des extraits vidéo où les différents procédés employés en concomitance sont indiqués à l’écran.

Vous avez trois façons possibles pour découvrir et assimiler cette section :

  • vous pouvez choisir d’étudier chaque procédé présenté en 3.1.en utilisant les divers tableaux à votre disposition. Vous visionnez les vidéos proposées pour chaque procédé une fois parvenu au terme de cette étape. Quand vous vous sentez à l’aise, vous abordez la section 3.2. consacrée au cumul des procédés où d’autres extraits vidéo sont proposés ;

  • vous pouvez étudier chaque procédé présenté en 3.1.en utilisant les divers tableaux à votre disposition. Vous regardez ensuite les vidéos illustrant le procédé commenté sachant qu’il est très souvent employé avec d’autres procédés, ce qui peut paraître déroutant au début1.

  • le film pédagogique F275 : Procédures de correction des voyelles et des consonnes peut également constituer un précieux auxiliaire pour s’approprier progressivement ces dif férents procédés.

Une précision d’importance s’impose. Comme déjà mentionné auparavant, la correction phonétique s’effectue simultanément à plusieurs niveaux. Mais dans les extraits vidéo, vous voyez maintenant et de façon concrète, le praticien opérer en temps réel au niveau de la correction d’un segment V ou C en intégrant conjointement un geste précis tout en recourant dans le même temps à un paramètre prosodique tant il est vrai que ces divers éléments sont intercorrélés et indissociables car participant chacun à l’action remédiatrice.

schéma a

Ceci peut paraître déroutant au début. Ceci implique également qu’un extrait vidéo peut être regardé de plusieurs façons et à plusieurs reprises en fonction de la prise d’information recherchée : travail sur tel ou tel procédé de remédiation, apprentissage de la gestualité accompagnatrice, repérage du contexte prosodique approprié, gestion de l’interaction… 

 

3.1. analyse de chaque procédé pris isolément.

• priorité à la prosodie

C’est un principe absolu de la MVT. Toute V ou C est insérée dans un mouvement rythmico-intonatif et en subit l’influence. Le professeur doit toujours se demander en quoi les paramètres prosodiques peuvent lui permettre d’éradiquer une erreur segmentale.

Intervenir sur un paramètre de l’infrastructure rythmique ou avoir recours à l’intonation suffit parfois à permettre la production du son-cible adéquat.

Il faut noter dès à présent que la prosodie, en tant que mouvement rythmico-mélodique, est très naturellement associée à un autre procédé de remédiation, celui de la gestualité accompagnatrice2.

La prosodie n’est pas seulement présente en permanence à l’arrière-plan. Elle constitue souvent un moyen économique autant que naturel pour corriger une voyelle ou une consonne mal réalisées.

De façon générale, en ce qui concerne le rythme :

  • Un ralentissement du débit de parole enlève de la tension, soit T- ; au contraire, une accélération du débit renforce la tension soit T+ ; ce qui est logique. Parler lentement fait gaspiller de la tension le long des syllabes successives de la suite parolière produite ; parler vite implique au contraire un surcroit de tension, les sons devant être articulés le plus rapidement possible les uns à la suite des autres.

  • Des sons en syllabe accentuée ont une tension renforcée, soit T+ ; ils sont au contraire T- en syllabe non accentuée. Une accentuation est provoquée par une proéminence rythmique engendrant de fait une plus grande tension des éléments composant la syllabe considérée ;

  • Pour les voyelles en syllabe accentuée, elles sont naturellement C+. La proéminence rythmique s’accompagne d’une augmentation de la hauteur.

De façon générale,

  • l’intonation montante notée ↗ renforce la tension des consonnes et valorise les fréquences claires des voyelles ; à l’inverse, l’intonation descendante notée ↘ enlève de la tension aux consonnes et est favorable aux fréquences sombres des voyelles ;

  • Les mêmes phénomènes s’observent en sommet intonatif : il provoque T+ pour C et C+ pour V ; à l’inverse, le creux intonatif entraine T- pour C et C- pour V.

On notera le distinguo opéré entre intonation montante et sommet intonatif d’une part, intonation descendante et creux intonatif d’autre part.

  • L’intonation montante et l’intonation descendante sont à considérer dans le cadre d’un mouvement intonatif s’appliquant à un GR ↗ ou ↘ avec souvent allongement de la durée et production concomitante d’un geste ascendant ou abaissant de la main.

  • Le sommet et le creux intonatif s’appliquent à une syllabe prononcée un ton plus haut noté ↑ ou plus bas noté ↓.

F007 ; F027 ; F048 ; F065 ; F040 ; F051 ; F079 ; F099 ; F110; F129 ; F220 ; F222 ;

Ce dernier procédé est très économique. Si dans l’énoncé j’ai bu un café l’enseignant a besoin d’intervenir sur « bu » où la voyelle est prononcée [i] par un arabophone et [u] par un russophone, il se met en creux intonatif dans le 1er cas soit j’ai ↓bu↓ un café et en sommet intonatif dans le 2ème cas soit j’ai ↑bu↑ un café. -Naturellement, l’enseignant a diagnostiqué une voyelle réalisée C+ dans le 1er cas et au contraire produite C- dans le 2ème cas-. Le professeur est immédiatement opérationnel et évite, comme cela se produit fréquemment avec des enseignants débutants, de chercher une phrase affirmative synonyme d’intonation descendante ou une phrase interrogative permettant la montée mélodique3.

La prosodie peut être utilisée seule pour corriger. Elle est très fréquemment employée en renfort de l’un ou l’autre des procédés de correction qui vont être maintenant abordés.

• PRONONCIATION NUANCÉE ET PRONONCIATION DÉFORMÉE

Ce procédé consiste à proposer un son qui se situe à l’opposé de l’erreur commise par l’apprenant4.

  • La prononciation nuancée propose des timbres intermédiaires par rapport au son-cible.

  • La prononciation déformée remplace momentanément le son-cible par un autre phonème avant de s’en rapprocher.

F108 et F069 contiennent un exemple de prononciation déformée et de prononciation nuancée.

Prenons quelques exemples avec des voyelles puis avec des consonnes.

Soit la voyelle /y/ produite [u] donc C-

Le principe de la prononciation nuancée consiste à proposer un timbre de [y] exagérément éclairci, se situant quelque part dans la zone d’interférence entre /i/ et /y/. Ce que suggère la figure ci-dessous.

Le principe de la prononciation nuancée

Exemples de /y/ réalisé C-  : F030 ; F034 ; F039 ; F002 ; F206 ; F202 ; F211 ; F213

La prononciation déformée consiste à remplacer provisoirement la voyelle visée par [i] et à revenir vers [y] par filtrages successifs –en passant donc par le stade de la prononciation nuancée-.

L’axe de correction par ce procédé est i ↔ y ↔ u

Cf. F027 ;

Dans le cas de [ø]5 prononcé C+ soit [e], cf. F041 ; F043

On retrouve le même principe sur l’axe vertical où on joue davantage sur la tension. Un Polonais prononce « bateau » [batɔ] alors que le timbre en syllabe finale ouverte accentuée est toujours [o] dans cette position. Il produit un [ɔ] T– par rapport au son attendu. L’un des moyens de correction est de proposer des timbres intermédiaires entre [u] et [o] –nuancement- ou de passer carrément par [u] avant de revenir progressivement à [o] –déformation, puis nuancement-.

L’axe de correction par ce procédé est ɔ ↔ o ↔ u

soit la consonne [ʒ] produite T+ telle que [ʤ] ou [ʃ].

Il faut donc proposer à l’apprenant des productions relâchées de type T-.

La prononciation nuancée consiste à proposer des timbres intermédiaires, soit des sons proches de [ʒ] mais hypoarticulés.

La prononciation déformée provoque le remplacement de [ʒ] par [j] situé sur le même point d’articulation mais moins tendu. On revient ensuite vers [ʒ] par paliers successifs en passant de la prononciation déformée à la prononciation nuancée.

L’axe de correction par ce procédé est j ↔ ʒ ↔ ʃ

Si [ʒ] est réalisé [z] par un Asiatique par ex. c’est également un problème de T+ La correction passe par un jeu portant sur l’axe de la tension en faisant notamment intervenir la prononciation nuancée ou déformée : ʃ ↔ tʃ ↔ dʒ ↔ ʒ ↔ j. Il s’agit dans ce cas « d’éloigner » l ‘apprenant de l’axe s ↔ z

Cf. F071 pour une erreur de ce type où [s] est produit au lieu de [ʃ].

Soit la consonne [d] produite [t] par un Chinois, diagnostic T+

Pour enlever de la tension, le professer peut utiliser la prononciation déformée en substituant [n] à [t] avant de revenir vers le son visé en produisant des sons hypoarticulés.

L’axe de correction par ce procédé est t ↔ d ↔ n

Le travail sur les bulle...explosives qui sont des sons momentanés est plus délicat qu’avec les bulle...fricatives qui sont des sons continus. Un exemple intéressant est fourni en F117 avec une étudiante brésilienne réalisant un [t] T+ proche de [ʧ].

On retrouve également ce principe pour travailler sur /ʁ/ produit T+ soit [r] ou [ɹ]: F118 ; F066 ; F075 ;

L’axe de correction par ce procédé est k ↔ g ↔ ʁ

Un exemple intéressant est fourni par F062 où l'apprenante hispanophone produit un [v] à la place de [b] et dit de ce fait "viens" au lieu de "bien" soit un son T- Pour lui faire réaliser le son T+ attendu, le professeur utilise la prononciation déformée et emploie [p] que la jeune fille refuse de reproduire, par contre elle produit correctement le son-cible [b]. L’enseignant utilise un autre procédé proche de l’articulatoire, pour la même erreur commise par cette jeune femme en F056.


On retrouve le même problème avec une étudiante japonaise qui produit [v] à la place de [b]. Le professeur11 passe également par la prononciation déformée en proposant un [p] T+ avant de revenir vers [b] que la jeune fille prononce convenablement : F258 ; F261.

Les glissantes (aussi dénommées semi-consonnes) sont souvent installées en utilisant le procédé de la prononciation nuancée ou déformée. On trouve plusieurs cas avec [ɥ] : F052 ; F093 ; F126 ; F257.

• ENTOURAGES FACILITANTS

Ce procédé de correction est fondé sur le principe suivant lequel les sons exercent mutuellement une influence réciproque, cet effet étant particulièrement important dans la même syllabe comme indiqué dans la figure suivante.

Influence réciproque des sons

a) Cas de la consonne précédant la voyelle dans la même syllabe, notée C1 dans le schéma.

Elle valorise naturellement les fréquences claires ou sombres de la voyelle suivante selon qu’elle soit « éclaircissante » ou « assombrissante » cf. FS4 cf. DOC09

Soit l’exemple de l’énoncé j’ai bu un café où le son attendu [y] risque d’être produit [u] par un russophone et [i] par un arabophone. Au moment du diagnostic, le praticien verbo-tonaliste tient compte de l’environnement du son mal réalisé.

Dans le cas de [y] produit C- soit [u], la consonne [b] peut renforcer la tendance à l’erreur puisqu’elle est assombrissante. L’enseignant peut la remplacer momentanément par une consonne éclaircissante et proposer de répéter des séquences où des non mots peuvent apparaître, soit ici : j’ai su j’ai zu, j’ai tu j’ai du. Si l’apprenant parvient à se défaire du son erroné initialement produit -il réalise un [u] plus clair se rapprochant de [y] ou même un [y] acceptable-, le professeur revient progressivement vers (∫by]. Cela signifie qu’il propose à l’élève de produire ([ʒɛky], [ʒɛgy], [ʒɛpy] et enfin [ʒɛby].

On retrouve le principe essentiel de la correction par paliers où, ici, le professeur procède à des filtrages successifs sur l’axe clair / sombre des consonnes et contrôle mieux de ce fait la production de l’apprenant. Passer des C éclaircissantes aux C assombrissantes en négligeant les C intermédiaires [ʃ ʒ k g] peut provoquer la rechute de l’apprenant.

On retrouve ce principe dans F009 ; F019 ;

Pour le même exemple, dans le cas de [y] produit C+ soit [i], la consonne [b] constitue un environnement favorable puisqu’elle est assombrissante. Le professeur a intérêt à la conserver et à utiliser un ou plusieurs autres procédés pour mettre en lumière les fréquences plus sombres de [y] par rapport à [i] (cf. infra).


b) cas de la voyelle.

Elle exerce naturellement une influence sur la tension de la C précédente.

Soit l’exemple d’un [ʒ] produit T- soit [j] par un hispanophone dans l’énoncé [jenɛpa] pour « je n’ai pas ». Le professeur choisit de corriger d’abord la C.

La figure de la FS2 cf. DOC07 montre que la voyelle la plus tendue est [i]. C’est elle que le professeur utilise en l’associant à la consonne-cible et propose de répéter [ʒinɛpa], voire [tʃinɛpa] qui est encore plus tendue pour tenter de revenir, toujours par filtrages successifs, vers le son [ʒ]. Si la C est obtenue de façon acceptable, le professeur peut travailler sur [ə] prononcé C+ soit [e]6.

Soit l’exemple d’un [g] produit T + par un Chinois soit [k] dans [kid] pour « guide ».

La figure de la FS2 cf. DOC07 montre que la voyelle la moins tendue est [a]. C’est elle que le professeur utilise en l’associant à la consonne-cible et propose de répéter [gad]. Si la C attendue est produite, l’enseignant revient progressivement vers le mot initial en appliquant le principe des paliers, soit ici : a → ɛ → e → i. Il propose de répéter [gad], [gɛd], [ged], [gid].

c) Cas de la consonne suivant la voyelle dans la même syllabe, notée C2 dans le schéma.


En syllabe fermée, C2 agit sur la durée de la V. Il suffit de prêter attention à la durée du [i] dans les mots pic et pire. Elle est brève dans le 1er mot et plus longue dans le 2ème. Certaines consonnes sont parfois appelées « bulle...abrégeantes » : elles entravent la tendance de la voyelle à occuper tout l’espace syllabique ; d’autres sont qualifiées d’ « bulle...allongeantes », elles ne s’opposent pas à l’expansion quantitative de la V.

Cette durée vocalique plus ou moins longue est particulièrement sensible en syllabe accentuée frappée par l’bulle...accent primaire.

Le tableau de la FS6 cf. DOC11 indique les consonnes à utiliser pour jouer sur la durée vocalique.

La consonne subséquente joue un rôle important pour corriger une voyelle exagérément allongée comme c’est le cas pour une production diphtonguée.

Soit l’exemple de [pɹɔmnɛj] pour « promené » prononcé par un Anglais. Pour éradiquer la voyelle finale diphtonguée [ɛj], l’enseignant peut choisir de la faire suivre d’une consonne abrégeante et propose à l’apprenant les modèles [pʁɔmnɛk], [pʁɔmnɛt], [pʁɔmnɛp] avant de revenir à [pʁɔmnɛ] ou [pʁɔmne]7 ; le timbre de la voyelle finale n’est pas très important et le son [e] offre l’avantage d’être T+ par rapport à [ɛ].

• position du segment à corriger

Pour les C la place du segment dans l’énoncé est importante en termes de tension. De façon générale, une consonne est d’autant plus tendue qu’elle est proche du début de l’énoncé, sa tension est moindre en fin d’énoncé. Ce qui se comprend aisément. On dépense de l’énergie au fur et à mesure que l’on parle.

Ainsi, si l’enseignant a affaire à un apprenant produisant un [ʒ] T+ concrétisé par [ʃ] ou [ʤ], il est préférable de positionner le son-cible en fin d’énoncé. Par exemple il est sage ou bien c’est de son âge…

A l’inverse si l’élève réalise un [ʒ] T- soit [j], il vaut mieux placer le son-cible à l’initiale : j’ai soif ; je suis fatigué…

Le son [ʁ] qui est la consonne la plus fréquente à l’oral est source de difficultés pour la plupart des groupes linguistiques. Le tableau de la FS1 cf. DOC06 établit que c’est la consonne la moins tendue du système8. De ce fait, il est conseillé de commencer un travail d’intégration phonétique en le plaçant en finale absolue avec des mots tels que car, bar, tard, cigare, etc. Quand un [ʁ] acceptable finit par être produit, on l’éloigne de la positon finale, soit en ajoutant un petit [ə] –on est alors en syllabe finale- soit en utilisant en fin d’énoncé des mots où le son apparaît : garage, cigarette, rhum, riz, rat, rater, etc. Des mots contenant [ʁ] sont ensuite insérés dans des positions se rapprochant de plus en plus de l’initiale d’énoncé.

Pour les V la position à l’intérieur de l’énonce est également significative. Par exemple, tous les [i] ont une tension différente dans La jolie Sylvie ↗ est partie à Paris ↗ par le train ↗ de midi et demie ↘ De même, toujours en terme de position, la place de cette voyelle peut être à considérer sur l’axe clair / sombre : [i] est relativement C+ en syllabe accentuée et relativement C- en syllabe non accentuée.

/z/ produit T+ soit [s] : F060 ; F090 ; F131 ; F132 ;

/ʒ/ produit T+ soit [ʃ] : F058 ;

/ʁ/ produit T+ soit [r]: F067; F101;


• gestualité accompagnatrice

Dans tous les extraits vidéo de la ressource numérique, les professeurs accompagnent un procédé correctif donné d’un mouvement corporel ne devant rien au hasard. Le geste accompagne spontanément la parole et la MVT intègre cette association naturelle dans ses pratiques. Le praticien doit apprendre à contrôler ses mouvements corporels autant que faire se peut afin de mettre la gestualité bulle...syllinguistique en phase avec les procédés de remédiation décrits plus haut. Elle est produite avec tout procédé mentionné plus haut. Elle constitue un indice visuel pour l’apprenant ; elle peut avoir une incidence sur sa bulle...proprioception.

La gestualité accompagnatrice est très utile dans la gestion des paramètres prosodiques9. Ainsi,

  • un mouvement montant ou descendant de la main est réalisé en même temps qu’une intonation ↗ o u ↘ . Si l’apprenant reprend ce geste, même timidement, il suivra naturellement la direction du mouvement intonatif suggérée par le professeur ;

  • un sommet intonatif est effectué avec la main du professeur bien en hauteur ; au contraire, un creux intonatif est produit avec la main faisant un geste descendant-montant ;

  • un décompte syllabique accompagne un travail consistant à sensibiliser l’élève au nombre de syllabes à reproduire dans un GR

La gestualité accompagnatrice est particulièrement efficace quand le travail d’intégration phonétique concerne la tension.

Pour travailler sur un son produit T- le praticien propose un modèle sonore T+ qu’il accompagne d’un geste de la main vers le haut et/ou en serrant le poing. En même temps, il peut redresser le buste, lever légèrement la tête, bref produire une corporéisation parolière suggérant une plus grande tension au niveau de la macromotricité ;

Pour travailler sur un son produit T+ le praticien propose un modèle sonore T- qu’il accompagne d’un abaissement de la tête, d’un geste de la main vers le bas, d’un affaissement du buste, suggérant de ce fait une tension moindre au niveau de la macromotricité.

L’enseignant ne doit pas craindre d’exagérer cette gestuelle lors des premières séances de phonétique corrective avec un groupe. Les participants sont prévenus de toute façon, le professeur a indiqué l’importance du geste dès la bulle...leçon zéro (cf. XXXX) et peut en rappeler l’intérêt ponctuellement. Progressivement, le professeur produit des gestes de plus en plus discrets en fonction des progrès des élèves.

Certains apprenants restent assis immobiles et ne répondent pas à la sollicitation corporelle de l’enseignant ou alors fugacement. D’autres reprennent volontiers la gestualité proposée par le praticien. A l’évidence, elle constitue une aide à la production parolière. Cf notamment quand les étudiants suivants apparaissent à l’écran. Certains ont une gestualité exubérante, d’autres sont plus discrets mais visiblement le geste est une aide à la production parolière : Michelle ; Pom, Ruben ; Patricia.

F087; F085 ; F136 ; F225 ; F226 ; F228 ;

PROCÉDÉS PARTICULIERS

Deux fiches pédagogiques et deux courts films illustratifs concernent deux types de voyelles.

Les bulle...nasales posent problème à de nombreux apprenants. Les procédures de correction à appliquer diffèrent de celles qui viennent d’être présentées. Elles sont exposées dans le document de la FS7 cf. DOC12. Un petit film vidéo illustre l’action du professeur intervenant sur les sons problématiques : F195

Les participants slaves et hispaniques commettent systématiquement l'erreur consistant à substituer à la voyelle nasale attendue une combinaison voyelle orale + consonne nasale soit des productions de type [an], [ɛn]... La correction est difficile et demande un investissement important tant de la part du praticien que de l'apprenant: F012; F016; F018; F022; F023; F033; F036; F037; F045

Les participants anglophones commettent des erreurs d'un autre genre consistant à dénasaliser partiellement la voyelle ou encore à produire des confusions de timbre, entre par ex. [ɑ̃] et [ɔ̃]: F204; F205; F214; F215;

Certains groupes linguistiques réalisent les voyelles françaises de façon bulle...diphtonguée. Les procédures de remédiation sont particulières ; elles sont exposées dans le document de la FS8 cf. DOC13. Un petit film vidéo illustre également le travail de l’enseignant ayant affaire à ces timbres : F396

En ce qui concerne les consonnes, indiquons un procédé particulier donnant souvent d’excellents résultats dans un travail portant sur la tension des consonnes bulle...explosives et sur le /ʁ/ en contact avec un autre C.

Ce procédé, que nous appelons discontinuité sonore, consiste à intercaler un « blanc » entre le son –cible et le segment suivant. Cette pause brève est généralement obtenue par apnée. Elle est censée enlever de la tension et favoriser la production du son attendu. Par exemple, dans le mot « travail » où /ʁ/ est réalisé T+, soit [r] ou [ɹ], le modèle consiste à faire entendre l’exemple où « travail » est prononcé avec une pause (indiquée par_) entre [t] et [ʁ] avec abaissement d’un ton entre les deux consonnes après cette suspension (indiquée par ↓) pour jouer également sur la prosodie, soit [t_↓ʁavaj] :

Exemples avec /ʁ/ produit T+ : F059 ; F064 ; F038;

Un travail complexe incluant ce procédé est illustré avec l’explosive [k] dans F014.


3.2. Cumul des procédés.

Un praticien verbo-tonaliste entrainé utilise simultanément plusieurs procédés de remédiation afin d’éradiquer une erreur donnée. Ceci offre maints avantages :

  • plusieurs procédés conjoints sont souvent plus efficients que l’emploi d’un seul ;

  • les combinaisons sont multiples, rendant le travail de correction phonétique plus souple avec davantage de chances de faire disparaître l’erreur à terme ;

  • pour corriger un son donné, les apprenants ne sont pas toujours sensibles au même procédé correctif. Ainsi, pour corriger un [y] réalisé C- tel apprenant réagira particulièrement bien à une sollicitation combinant intonation montante et prononciation nuancée, son voisin préfèrera l’intonation montante et les entourages facilitants, un autre encore sera davantage sensible au sommet intonatif. L’enseignant repère ces préférence pour chaque apprenant, son par son, en trois séances environ10. Ensuite, il applique pour chacun d’eux le procédé correctif lui réussissant le mieux. Il s’agit d’un « raccourci pédagogique » rendant l’intervention professorale plus efficace puisqu’utilisant le procédé optimal pour chaque élève.


Nous allons reprendre des exemples donnés précédemment dans ce chapitre en montrant maintenant comment le praticien aurait pu procéder en alliant plusieurs procédés. Nous nous rapprochons ainsi du travail illustré par les extraits vidéo de la ressource ainsi que les diverses leçons de CP proposées dans le 3ème ensemble.


Rappelons que la prosodie est prioritaire. Elle est toujours utilisée en association avec un ou plusieurs autres procédés. La gestualité accompagnatrice est également présente.


Ainsi, il y a une tension excessive T+ dans les trois exemples suivants :

  • [kaʁsɔ̃] prononcé par un Chinois ;

  • [ʤɔɹʤ] pour « Georges » prononcé par un Anglais ;

  • [nusavɔ̃] pour « nous avons » prononcé par un Espagnol.


Dans [kaʁsɔ̃] pour « garçon »,

Le professeur utilise l’énoncé c’est le garçon où le son-cible [g]

  • est d’abord proposé en intonation descendante, avec un débit ralenti et un allongement de la durée de la syllabe [ga] ;

  • le professeur fait ensuite intervenir les entourages facilitants : le [a] subséquent est facilitant mais il est possible de proposer [selagaʁsɔ̃] soit d’entourer le son visé de deux voyelles T- et de proposer de nouveau [seləgaʁsɔ̃]. Naturellement, le professeur conserve la configuration prosodique mentionnée à l’alinéa précédent ;

  • une prononciation déformée est aussi possible : l’enseignant passe par [seləʁa :] avec allongement syllabique en intonation ↘, il tente des nuancements entre [ʁ] et [g] en jouant également sur l’intonation descendante↘, en plateau , montante ↗ ; Il revient ensuite à l’énoncé initial [seləgaʁsɔ̃].

  • le recours à la discontinuité sonore : [seləg_↓aʁsɔ̃] avec affaissement du buste et/ou geste de la main vers le bas.

On peut voir plusieurs exemples avec un étudiant sinophone : F137 ; F133 ; F128 ; F053.

Dans [ʤɔɹʤ] pour « Georges »,

L’enseignant utilise l’énoncé c’est Georges  où le son-cible [ʒ]

  • est d’abord proposé dans [asɛʒ] soit placé en finale absolue dans une intonation descendante avec ralentissement du débit et un « aaahh de satisfaction » débutant l’énoncé, permettant de gaspiller davantage de tension. La gestuelle concomitante consiste en un geste de la main vers le bas et/ou une inclinaison du buste ; on trouve un bel exemple de cette application dans F078.

  • il est également possible de produire cette suite sonore avec le même schéma rythmico-intonatif en introduisant les entourages facilitants, successivement: [asaʒa] ➙ [asɛʒ] ➙[asɛʒ]

  • le creux intonatif accompagné du geste correspondant de la main sur la syllabe cible est employé pour faire entendre successivement [asɛʒa] ➙ [asɛʒɔ] ➙ [asɛʒɔʁʒ]. Le professeur contrôle le mouvement prosodique ainsi que la macromotricité.


Voici quelques exemples de procédés employés simultanément avec :

/z/ produit T+ soit [s] : F109 ; F119 ;

/ʒ/ produit T+ soit [ʃ] : F063; F082; F095 ;

/t/ produit T+ soit [tʃ] : F117

/ʁ/ produit T+ soit [r] : F084 ; F086; F112 ; F083;

/t/ produit T+ : F114 ; F116 ;

Au contraire, la tension insuffisante T- explique l’erreur dans les cas suivants :

  • jenɛpa] pour « je n’ai pas » prononcé par un Espagnol ; cf. les vidéos :

    • [ʃapɔ] pour « chapeau » prononcé par un Polonais ;
    • [pɹɔmnɛj] pour « promené » prononcé par un Anglais.


Dans jenɛpa] pour « je n’ai pas », la ressource offre de nombreux exemples avec les apprenants hispanophones, par exemple


Dans [ʃapɔ] pour « chapeau »

L’enseignant utilise l’énoncé où le son-cible [o]

  • placé en sommet intonatif avec un débit rapide est réalisé avec un geste sec de la main vers le haut ou bien le poing serré avec redressement du buste, la macromotricité renforçant la tension de la V ;

  • peut être également produit en prononciation nuancée sur l’axe o ↔ u


Dans [pɹɔmnɛj] pour « promené », il a déjà été mentionné que pour éradiquer la voyelle finale diphtonguée [ɛj], l’enseignant peut choisir de la faire suivre d’une consonne abrégeante et propose à l’apprenant les modèles [pʁɔmnɛk], [pʁɔmnɛt], [pʁɔmnɛp] avant de revenir à [pʁɔmnɛ] ou [pʁɔmne] ; le timbre de la voyelle finale n’est pas très important et le son [e] offre l’avantage d’être T+ par rapport à [ɛ].

Naturellement, le professeur utilise un débit rapide pour renforcer la tension et propose les différentes suites en sommet intonatif [pʁɔmnɛk] ↑ [pʁɔmnɛt] ↑ [pʁɔmnɛp] ↑ [pʁɔmnɛ] ↑ ou [pʁɔmne] ↑Simultanément, il produit un geste sec de la main vers le haut au moment où il émet la syllabe-cible tout en relevant la tête et/ou en redressant le buste.

L’enseignant peut aussi avoir recours à la prononciation nuancée en produisant des timbres intermédiaires entre [e] et [i] tout en conservant l’intonation montante et le débit rapide.

Nous avons également mentionné le cas d’un Péruvien pouvant prononcer [u] au lieu de [ø] un peu étant alors réalisé par [œ̃pu]. La correction s’effectue en utilisant des procédés relatifs à la tension.

Il faut également favoriser l’intonation descendante ou le ceux intonatif ;

La gestuelle est celle du relâchement : mouvement de la main vers le bas, inclinaison du buste et/ou de la tête, affaissement des épaules, etc ;

Le recours à la prononciation déformée peut donner de bons résultats : on passe par [a] T- avant de revenir en nuancement vers [ø], soit l’axe u ↔ a ↔ ø


Reprenons l’exemple de l’énoncé j’ai bu un café où /y/ peut être produit C+ soit [i] ou bien C- soit [u] en fonction de l’apprenant. Nous avions indiqué que la consonne précédente [b] était susceptible de contribuer à l’erreur dans le second cas car naturellement assombrissante.

Dans le cas de /y/ réalisé [i] :

  • intonation descendante avec la séquence [ʒɛby] où la syllabe-cible est réalisée avec allongement tout en plongeant dans les graves ; gestuelle associée : main vers le bas accompagnant le mouvement intonatif avec, éventuellement, inclinaison du buste, abaissement de la tête ;

  • prononciation nuancée sur l’axe y ↔ u

  • entourages facilitants : [b] peut être momentanément replacé par [m] plus assombrissant ;

  • quand [ʒɛby] est reproduit de façon satisfaisante, on donne l’ensemble de l’énoncé à répéter en produisant la syllabe-cible en creux intonatif avec mouvement correspondant de la main : [ʒɛbyœ̃kafe]

Dans le cas de /y/ réalisé [u] :

  • intonation montante avec la séquence [ʒɛby] où la syllabe-cible est réalisée avec allongement tout en montant vers les aigues ; gestuelle associée : main vers le haut avec éventuellement redressement du buste, de la tête ;

  • prononciation nuancée sur l’axe y ↔ i

  • entourages facilitants : passer par des consonnes éclaircissantes pour revenir progressivement vers la syllabe-cible : [ʒɛty] → [ʒɛdy] → [ʒɛgy] → [ʒɛvy] → [ʒɛby]

  • quand [ʒɛby] est reproduit de façon satisfaisante, on donne l’ensemble de l’énoncé à répéter en produisant la syllabe-cible en sommet intonatif avec mouvement correspondant de la main : [ʒɛbyœ̃kafe]

Remarque importante relative aux entourages facilitants évoqués ci-dessus : le professeur propose une correction par paliers telle que : [ʒɛty] → [ʒɛdy] → [ʒɛgy] → [ʒɛvy] → [ʒɛby]. Il se réserve la possibilité d’utiliser les consonnes les plus éclaircissantes [s] et [z] s’il observe que ce procédé convient à l’apprenant. Là encore c’est un moyen de contrôler l’efficacité du procédé en fonction de la réaction de l’apprenant.


Quelques exemples de travail sur l’axe clair / sombre

/y/ réalisé [u] :; F002 ; F008 ;

/y/ réalisé [i] : F035 ; F203 ; F210 ;

/u/ prononcé [y] : F218 ; F237 ;


1 Les procédés de correction des V et des C sont exposés dans la séquence 5. Ceux relatifs à la prosodie sont traités dans la séquence 6. On ne s'étonnera pas que certains d'entre eux soient mentionnés dans les extraits vidéo puisqu'ils ils accompagnent naturellement les techniques remédiatrices des segments vocaliques ou consonantiques.

2 Un commentaire sur la gestualité accompagnatrice est proposé plus avant dans ce chapitre. Les gestes synchrones aux diverses configurations rythmico-mélodiques sont traités dans la séquence n° 7.

3 D’autant plus que le sommet et le creux intonatif ne se limitent pas à ces deux types de phrases.

4 Ayez sous les yeux le tableau des voyelles ainsi que celui de la tension des consonnes afin de suivre la démonstration. Ces procédures de remédiation sont abondamment illustrées dans les documents vidéo.

5 En réalité /ə/ prononcé avec le timbre [ø].

6 S'il considère que l'apprenant a été trop sollicité ou manifeste des signes de lassitude ou d'impatience, le professeur peut se tourner vers un autre participant. Il reviendra pus tard vers cet apprenant qui de toute manière commettra la même erreur vocalique qu'il faudra bien corriger.

7 Le professeur et l'apprenant travaillent sur la V mais l'enseignant propose naturellement le modèle [ʁ] pendant la répétition.

8 D'où une tendance à l'bulle...amuïssement en oral spontané dans certaines régions quand [ʁ] est au contact d'une autre consonne. Il n'est pas prononcé dans parce (que), kilomètre, quatre, etc.

9Ces gestes sont décrits plus précisément dans la séquence n° 6 consacrée au rythme et à l'intonation.

10 Cf. le principe de la carte d'identité phonétique de l'apprenant mentionné dans la 2ème partie de la séquence n° 8 consacrée à l'organisation des activités en phonétique corrective et à la gestion des apprenants.

11 Il s’agit de M. Henri Berdoulat, professeur de FLE à l’Alliance française de Toulouse, qui a aimablement accepté de venir animer une séance de phonétique corrective dispensée à ses étudiants.