PHONÉTIQUE CORRECTIVE EN FLE
MÉTHODE VERBO-TONALE

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LES RAISONS D'UNE PRONONCIATION DÉFECTUEUSE
EN LANGUE ÉTRANGÈRE

3.2. quelques pistes à suivre

Cette ressource est pédagogique. Elle se veut avant tout pratique. Mais il nous paraît intéressant de suggérer au lecteur intéressé quelques travaux expérimentaux portant sur la perception et permettant de creuser la piste du crible phonologique.

Une remarque limitative s’impose. Les chercheurs mènent leurs travaux en laboratoire selon des procédures et des protocoles rigoureusement contrôlés n’ayant rien à voir avec la réalité écologique de la salle de classe. Mais certains résultats suggèrent que la MVT ne repose pas sur des principes dépassés mais a toute sa place dans un champ d’études très actuel et particulièrement fécond.

Le phénomène de surdité phonologique en langue étrangère est une réalité attestée dans toute une série de travaux en psycholinguistique. On le trouve mentionné par exemple dans Segui (1993) et Dupoux et coll. (1997), Segui et Hallé (2011)1.

Certains chercheurs poursuivent des travaux dont les résultats intéressent directement des praticiens de MVT, plus précisément ceux qui considèrent que les difficultés de prononciation en L2 sont à l’origine dues à des problèmes de perception2. Nous nous bornerons ici de citer brièvement trois d’entre eux en renvoyant aux publications disponibles en ligne sur leurs sites respectifs tout en soulignant l’intérêt que leurs contributions présentent pour dynamiser la réflexion et la recherche en MVT.

Patricia Kuhl a mené toute une série d’études en perception qui l’ont conduite à développer le principe du prototype puis de « l’effet magnet ». L’idée est qu’un individu stocke en mémoire une sorte de résumé abstrait se rapportant à des éléments formant une catégorie. L’élément le plus représentatif d’une catégorie est appelé prototype et attire vers lui la perception des sons qui sont situés à proximité. On peut voir là une analogie avec le principe des aires de dispersion utilisé en MVT (cf…). Ses travaux ont mené P. Kuhl à proposer le système NLM (Native Language Magnet Model) postulant que le tout jeune enfant est « équipé » pour segmenter le flux de parole en catégories délimitées par des frontières. Elle considère qu’une personne apprenant une langue étrangère peut parvenir à créer de nouvelles frontières suite à un entrainement intensif. La difficulté pour l’apprenant étant que si un son de la L2 est relativement proche d’un aimant perceptuel de la L1,il aura naturellement tendance à l’assimiler à la catégorie de la L1. Les publications de P. Kuhl sont à consulter à : http://ilabs.uw.edu/institute-faculty/bio/i-labs-patricia-k-kuhl-phd

C. Best est à l’origine du modèle PAM (Perceptual Assimilation Model) et on retrouve dans ses travaux portant sur l’enfant et la perception des langues étrangères l’affirmation comme quoi les sonorités de la L2 sont plutôt perçues en termes de similarité ou de dissemblance avec les sons de la L1 à l’intérieur d’une catégorie native. Ceci n’est pas sans rappeler quelque peu « l’effet magnet » bien que l’approche de Best soit très différente de celle de Kuhl. Best suggère également que le locuteur appréhendant les phonèmes d’une L2 pourrait être sensible à des similarités gestuelles avec des phonèmes d’origine native. Ses travaux sont consultables à : http://marcs.uws.edu.au/people/cathi-best

James Flege est le promoteur du modèle SLM (Speech Learning Model). Ses publications sont disponibles à :  http://jimflege.com/L2_Research.html

Dans son modèle de perception de la parole, Speech Learning Model (SLM), Flege explique que si les mécanismes qui permettent l’acquisition d’une langue restent intacts tout au long de la vie, il devient cependant de plus en plus difficile de former de nouvelles catégories correspondant aux sonorités de la langue étrangère au fur et à mesure que les catégories pour la langue maternelle se développent. Par exemple, si deux sons vocaliques sont très proches, par exemple le /i/ français présent dans le mot « ami » et le /ɪ/ anglais présent dans le mot « bit », ces deux sons seraient assimilés à une seule et même catégorie, celle de la LM. Autrement dit, un francophone apprenant l’anglais, ne fera pas la différence entre la voyelle antérieure /i/ qu’il possède dans sa langue maternelle, et la voyelle plus centrale /ɪ/ de l’anglais. Inversement, il serait plus facile pour un apprenant de créer de nouvelles catégories perceptives pour des sons qui ne s’apparentent pas à ceux de sa langue maternelle. Nous noterons que ce modèle traite les différences perceptives entre la langue maternelle et la langue étrangère sur la base d’un continuum, mesuré empiriquement et non prédit a priori. Toute modification des catégories existantes ainsi que toute création de nouvelles catégories entraineraient une réorganisation du continuum.

1 SEGUI, J. (1993). Surdité phonologique et perception du langage. Revue de MEHLER, J. (1997). A Destressing "Deafness" in French? Journal of Memory and Language(36), 406-421 ; Segui, J., & Hallé, P. (2001). Connaître pour percevoir : le rôle des contraintes phonotactiques dans la perception de la parole. Revue de Neuropsychologie, 11, 323-35Neuropsychologie, 3(4), 397-406 ; DUPOUX, E., PALLIER, C., SÉBASTIAN, N.

2 Pour une synthèse, se reporter à HARMEGNIES, B. ; DELVAUX, V. ; HUET, K. ; PICCALUGA, M. Oralité et cognition : pour une approche raisonnée de la pédagogie du traitement de la matière phonique, Revue Parole, 34-35-36, 2005, p. 336.