LA PLACE DE LA PHONETIQUE CORRECTIVE
EN DIDACTIQUE DES LANGUES
2. Phonétique corrective et communication.
Cette définition par paliers de la phonétique corrective est ambitieuse. On peut même se demander si elle est réaliste. Par exemple, pour le palier 2, est-il possible d’enseigner efficacement la prosodie –rythme et intonation- d’une langue étrangère alors même que beaucoup de ses aspects font encore l’objet de spéculations et d’investigations dans les laboratoires de phonétique expérimentale et de psycholinguistique? Au palier 3, associer l’intonation au geste est-il utile, la mise en place d’une compétence linguistique minimale requérant déjà un tel investissement ?..
Chaque professeur appréciera en fonction de sa personnalité, de ses centres d’intérêt, des finalités de son enseignement, du niveau de ses élèves, de leurs desiderata, de l’utilisation qu’ils comptent éventuellement faire de la langue dans la pratique d’un métier, des objectifs de l’institution où il officie, des facilités qu’elle lui accorde, etc.
L’important étant de bien comprendre que la phonétique corrective ne se réduit pas à la seule correction des voyelles et des consonnes à effectuer en catimini au centre de ressources multimédia ou en cours.
Elle est au contraire riche de potentialités demandant à être explorées, exploités, développées. Et l’imagination des professeurs et des élèves est ici pleinement sollicitée.
En fait, la phonétique corrective trouve toute sa place dans un schéma de communication tel que présenté ci-dessous où le professeur et l’apprenant sont tour-à-tour locuteur et interlocuteur1.
A l’oral, la langue est composée de trois sous-systèmes principaux –verbal, vocal, gestuel- fonctionnant en parfaite synergie en langue maternelle.
Ces trois sous-systèmes sont par contre complètement déstructurés et désorganisés sitôt que l’apprenant est confronté à l’apprentissage d’une langue étrangère.
Avec en plus le risque que le système scolaire ne se focalise que sur le seul système verbal car ce qui compte c’est essentiellement l’assimilation et l’amélioration de la compétence linguistique.
Les sous-systèmes vocal et gestuel sont le plus souvent sinon ignorés du moins négligés et trouvent éventuellement à s’exprimer dans des activités de type atelier théâtre.
Ce schéma appelle les commentaires suivants qui seront davantage développés dans la séquence n° 8 :
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ce n’est pas parce que le locuteur en place a la parole que l’interlocuteur est passif. Au contraire il exerce en permanence une action sur son vis-à-vis par ses comportements non verbaux, soit mimo-gestuels, soit par des vocalisations exprimant l’acquiescement ou la désapprobation. Ceci est particulièrement important pendant les échanges en correction phonétique pendant lesquels le professeur interprète en permanence le degré de disponibilité de l’apprenant ;
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ce que nous appelons vocalisations se rapporte à des phénomènes liés à l’action ou aux positions des cordes vocales : acquiescements sonores divers, rires, toux, soupirs, raclements de gorge qui ne sont pas des scories du discours mais ont partie liée à la structuration de l’échange verbal ;
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la gestualité est liée à la ...kinésique avec des comportements corporels pouvant être très différents d’une culture à l’autre, ce dont le praticien de phonétique corrective également doit tenir compte ;
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la ...proxémique est la gestion que chacun fait de l’espace, transformant son espace immédiat en son espace personnel, intime. Cette gestion proxémique est également culturelle. Elle est particulièrement importante en phonétique corrective.
1 L’interaction particulière professeur/élèves pendant la séance de phonétique corrective obéit à des règles du jeu particulières qui sont présentées dans la séquence n° 8.