LA PLACE DE LA PHONETIQUE CORRECTIVE
EN DIDACTIQUE DES LANGUES
4. Bref historique de la place de la phonétique verbo-tonale en Didactique du FLE1.
La MVT est partie prenante de la 1ère méthode audio-visuelle structuro-globale Voix et Images de France (VIF, 1960) réalisée par P. Rivenc et P. Guberina et le rôle de la phonétique est constamment souligné dans la préface du livre du professeur, notamment dans une partie intitulée « phonétique pratique ».
D’emblée, il y a cette affirmation forte du rôle prédominant des facteurs phonétiques qui sont constamment présents « Dans notre cours, la phonétique touche aux bases essentielles
de la méthode qui, partant de la langue parlée, s'appuie sans cesse sur les aspects acoustiques du langage. Méthode structurale, qui dépasse les éléments en les niant dialectiquement, la phonétique se retrouvera dans chacune des trois parties de chaque leçon : en effet, l'intonation et le rythme sont les supports les plus puissants en vue de l'assimilation du texte entendu ».
Cette affirmation s’inscrit dans la démarche des auteurs de VIF visant à promouvoir une linguistique de la parole à une époque encore marquée par l’hégémonie du structuralisme. D’autre part, l’importance accordée à la matière sonore dans toutes les parties de la leçon est à la base du principe, constamment rappelé par ses fondateurs, de l’intégration SGAV / MVT qui implique la solidarité (échec lorsque dissociation)2.
Cette importance de la phonétique est également soulignée dans une méthode SGAV emblématique des années 70 : De Vive Voix, (DVV) publié par M.-T. Moget en 1972. Archipel de J. Courtillon et S. Raillard paru en 1982 et qui est également une méthode SGAV qui marquera toute une génération accorde par contre une place plus modeste à la matière sonore.
Ceci peut éventuellement s ‘expliquer par le fait qu’Archipel paraît alors que les Approches communicatives s’imposent dans le paysage du FLE. Les années 80 sont marquées en France par une réaction violente vis-à-vis de la période précédente où les méthodes audio-visuelles et principalement celles issues du SGAV, tenaient le haut du pavé.
Certains didacticiens contestent leur efficacité, les taxent de behaviorisme, dénoncent une méthodologie rigide voire dogmatique et exclusivement axée sur l’approche linguistique alors que l’interculturel ne cesse de se répandre…
Dans ce climat malsain, la phonétique corrective est vouée aux gémonies. Elle exige trop de temps et trop d’efforts pour des résultats souvent médiocres et décevants, tous les professeurs ne sont pas forcément des adeptes de l’enseignement de la prononciation, et puis la trace d’un accent étranger est une marque d’altérité que beaucoup d’élèves revendiquent.
Dans les formations FLE, le système verbo-tonal continue d’être évoqué et souvent de façon élogieuse. Il n’est pas rare de lire qu’il donne de bons résultats quand utilisé par des gens compétents. Et cette affirmation perdure dans bon nombre d’écrits jusqu’à aujourd’hui, que ce soit pendant la période dite de l’éclectisme durant les années 90 et après l’avènement du CECRL au tout début de ce siècle.
Le gros problème est celui de la formation de formateurs en verbo-tonale dans une optique alliant approfondissement théorique indispensable associé à des pratiques de classe tout aussi essentielles. La MVT se démontre mais aussi elle se montre ! Elle acquiert sa crédibilité en alliant théorie et pratique. Les endroits où une telle formation est pratiquée se font de plus en plus rares dès la fin des années 70 et la MVT devient de plus en plus confidentielle3.
D’autre part, la MVT est souvent exposée par des personnes qui ne l’ont jamais pratiquée ou même vu utiliser d’où souvent une vision déformée et des simplifications abusives.
Certains formateurs préfèrent en revenir aux principes de la phonétique articulatoire, nettement plus aisés à expliquer ; d’autres proposent une sorte de compromis mêlant l’approche articulatoire parsemée de quelques ingrédients de verbo-tonale dont on se demande parfois comment ils ont été choisis. Ceci s’observe dans bon nombre de manuels de phonétique corrective et de ressources pédagogiques disponibles sur le web.
Et ceci rejoint un autre problème sur lequel nous reviendrons dans la séquence n° 8 : il n’existe pas de matériel pédagogique estampillé verbo-tonal alors que les publications à base de phonétique articulatoire abondent.
La lecture de ce qui précède fait apparaître qu’il existe deux approches pour corriger la prononciation en L2 : la méthode verbo-tonale et la méthode articulatoire.
Les différences entre ces deux conceptions de la phonétique corrective font l’objet de la séquence n° 4.
1 Pour une évolution de la place de la MVT en didactique du FLE des origines à aujourd'hui, cf. Billières (2005) Les pratiques du verbo-tonal. Retour aux sources. In Berré, M. (éd.). Linguistique de la parole et apprentissage des langues. Questions autour de la méthode verbo-tonale de P. Guberina. Mons : CIPA (Centre international de Phonétique appliquée), pp. 67-87).
2 Dans cette perspective, consulter les articles de Renard (2010).
3 Outre notre enseignement dispensé à l’université de Toulouse II, il convient de mentionner le stage international de perfectionnement en phonétique verbo-tonale dirigé par Pietro Intravaia à l’université de Mons Hainaut pendant les années 90 et auquel nous avons constamment collaboré (10 éditions au total), sans compter de nombreuses missions de formation de professeurs de FLE tant en France qu’à l’étranger.